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Société

Commentaire: N’AYONS PAS HONTE DE LA CREI Par Jean Meissa Diop


Jeudi 19 Février 2015

Quand un dépositaire de l’argent public affiche subitement un train de vie non conforme à son revenu honnête, il est légitime de l’amener à le justifier. Il n’y a pas de sensiblerie à faire là-dessus, ni un juridisme de mauvais aloi

Quand sera clos le procès de Karim Wade et consorts, quand se seront dissipés la tension, le suspense et la suspicion, quand la justice aura prononcé son verdit sur ce procès dit des biens mal acquis, quand la Justice aura jugé et condamné tous ceux qui doivent l’être pour avoir prévariqué, pillé les biens communs de ce pays, planqué le butin dans les paradis fiscaux, dans les coffres d’une banque ici ou à l’étranger…

Quand tout cela sera terminé, que fera-t-on de la fort controversée Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) ? Il faudra la garder, nous écrions-nous ! Cette cour, malgré toutes les préventions fumeuses, les attaques suspectes et autres avanies, a une grande pertinence dans un pays où on est très enclin à la prévarication !

Quand un dépositaire de l’argent de la République affiche subitement un train de vie non conforme à son revenu normal et honnête, il est légitime de l’amener à le justifier. Il n’y a pas de sensiblerie à faire là-dessus, ni un juridisme de mauvais aloi. Surtout que l’institution de l’Office nationale de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) aura facilité la tâche en ce que, désormais, avant de prendre la responsabilité d’une caisse- disons de fonds publics-, il faudra au préalable faire une déclaration de patrimoine et en faire une seconde autre quand on aura plus cette charge.

Les insatisfactions, failles, manquements surgis avec le procès de Karim Wade ne sont pas à dramatiser et ne devraient pas délégitimer l’idée et le principe de demander des comptes à ceux que la morale et la loi demandent de le faire. Ces lacunes de la Crei devront juste être prises comme une leçon pour perfectionner cette juridiction, dans ses méthodes, ses compétences, ses ressources humaines, ses expertises… Expertises surtout à aller débusquer de l’argent volé et planqué ailleurs qu’au Sénégal ou même ici.

Trop de masla a foutu en l’air le sens éthique dans ce pays. Même le voleur convaincu, on ne veut pas le dépouiller de son butin ; on parle plutôt de lui laisser une Téranga pour lui permettre de continuer à vivre dignement tandis que vont se débattre dans les pires difficultés ceux à qui pourraient profiter l’argent volé, dépensé– c’est un exemple parmi tant d’autres- dans l’acquisition de cuillers à 40 mille francs pièce !



Il faut que nous Sénégalais sachions ce que nous voulons et non continuer à être un pays où l’argent n’est pas le fruit d’un labeur, mais provient d’une rapine… Tant que nous n’aurons pas rompu d’avec cette conception et ces convictions hypocrites, la Crei aura sa pertinence.

Je ne suis pas d’accord avec ceux qui affirment que la Crei est une spécialité mondiale sénégalaise. Tant mieux, d’ailleurs, si elle l’est ! aurait-on dû rétorquer tant que la mission de cette juridiction est de réprimer le détournement des deniers du contribuable. Non, il ne faut pas avoir honte de la Crei !

Dans le principe qui l’a créée comme dans son idée, la Crei est une excellente juridiction ; n’ayons pas le complexe qu’elle soit unique dans le monde. Perfectionnons-la plutôt. Faisons-en un outil efficace de moralisation de la gestion du bien commun.

Nul Sénégalais de bonne foi ne peut nier que sous le régime libéral, il s’est passé des choses ignominieuses, malhonnêtes, honteuses. Et alors, voulons-nous ou pas que ces faits restent impunis ? Ou à tout le moins que la médiation pénale (mesure alternative aux poursuites pénales) permette aux voleurs avérés de garder 20 pour cent de leurs butins.

Ce serait très grave, puisque naîtront alors des vocations de voleurs d’argent public. Voler autant qu’il sera possible pour pouvoir garder le quart environ. «La médiation pénale au Sénégal n’est rien d’autre que la légalisation d’un pillage d’état et le feu vert pour un carnage économique par le régime actuel», écrit un certain Mohamed Touré, Coordonnateur du Fusd.

On a dit aux Sénégalais que mieux vaut cela que ne rien recouvrer du tout, parce que le voleur aura trop bien planqué son butin à travers des réseaux tellement opaques et complexes à travers le monde et les paradis fiscaux que la plus volontariste des traques ne pourra les débusquer.

Voilà une caution, une onction à la malhonnêteté ! Faites n’importe quelle bêtise, volez le bien le plus précieux, il se trouvera toujours des individus intellectuellement malhonnêtes pour vous innocenter sans jamais avoir la preuve de votre intégrité.

GRAND PLACE





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