Les travailleurs vont une fois célébrer ce dimanche la traditionnelle Fête du travail. Comme à l'accoutumée, ils seront dans la rue pour le défilé. Et dans l'après-midi, ils seront au palais de la République pour déposer leurs cahiers de doléances. Seulement cette année, le contexte est marqué encore par un front social en ébullition et l‘unité des forces syndicales. Les agents de la santé, des collectivités locales, les enseignants, les inspecteurs de l'éducation, du travail, ont tous des reproches à faire au gouvernement. Si les revendications des syndicats sont différentes les unes des autres, ils s'entendent tous sur un point : ils sont face à "un gouvernement qui ne respecte pas ses engagements".
Pour le Syndicat unitaire des travailleurs de la santé (Sutsas) par exemple, les revendications tournent, entre autres, autour du "statut du personnel des établissements publics de santé, la question de la loi d'orientation sociale, les heures supplémentaires, le recrutement des contractuels et du personnel communautaire, le statut des directeurs d'hôpitaux et des présidents de conseil d'administration". A cela s'ajoutent des questions à incidence financière notamment, "l'augmentation de l'indemnité de risques, l'octroi de l'indemnité de logement, l'octroi de l'indemnité de responsabilité". Des iniquités que les autorités avaient décidé de corriger après la publication des résultats sur l'étude du système de rémunération.
Education-santé, même combat
Dans le secteur de l'éducation, on n'est pas loin de ce cas de figure. Les syndicats de l'enseignement supérieur comme de l'élémentaire, du moyen et du secondaire courent toujours derrière l'application des accords. Ils déroulent leurs plans d'actions depuis le mois de février dernier, réclament le respect des accords signés en 2014, revus en 2015 et qui tournent autour du payement des rappels des années de contractualisation et de volontariat. Dans son discours à la Nation le 3 avril dernier, le président de la République les a estimés à 24 milliards de F Cfa. L'autre raison, qui justifie la colère des enseignants, concerne les lenteurs administratives, qui risquent "de porter un sacré coup à leur carrière".
Quid des agents des collectivités locales ? La plupart des problèmes de ces derniers sont dus aux conséquences de la mise en œuvre de l'Acte 3 de la décentralisation. Lors de leur mouvement d'humeur du mois de février, ils réclamaient "le retour aux villes de tous les agents, redéployés aux anciennes communes d'arrondissement dans le cadre de l'Acte III de la décentralisation mais aussi l'effectivité de la Fonction publique (locale)".
Si les syndicalistes de l'enseignement et de la santé se sont beaucoup plus fait entendre cette année, d'autres corps de la Fonction publique ont aussi crié leur indignation face au non-respect des engagements. S'agissant du Syndicat des inspecteurs de l'éducation et de la formation, leur plateforme revendicative s'articule autour de quatre points :
"L'amélioration des conditions matérielles de travail, la révision du traitement salarial et du régime indemnitaire, la gestion de la carrière des inspecteurs de l'éducation et enfin, la révision de certains textes jugés discriminatoires." Pour se faire entendre, ils ont depuis le mois de mars boycotté les activités dans les Centres de formation des personnels de l'éducation (Crfpt). Du côté du Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust), un mouvement d'humeur a été observé à cause de la suppression des heures supplémentaires.
"Manque de volonté du gouvernement"
Alors que le Syndicat des inspecteurs et contrôleurs du travail déplore le non-respect du Protocole d'accord signé en 2011. Lors d'une conférence de presse tenue le 15 avril dernier, ce syndicat soutenait que "5 ans après la signature du protocole d'accord entre le gouvernement du Sénégal et le Syndicat des inspecteurs et contrôleurs du travail et de la sécurité sociale (Sictrass), le 25 mars 2011, il a été constaté un manque de volonté politique des autorités dans la mise en œuvre des points d'accord constituant des acquis obtenus à la suite d'une haute lutte syndicale".
Dans leurs revendications, les membres de ces syndicats réclament, entre autres, "le relèvement du traitement salarial par notamment l'octroi d'une indemnité de contrôle, l'octroi de Parcelles à usage d'habitation dans la région de Dakar, la définition et la mise en œuvre d'une perspective de carrière et un plan de formation pour les inspecteurs et contrôleurs du travail". Pour le défilé de ce 1er mai, il ne faudrait pas s'attendre à de nouvelles revendications puisque les accords signés ne sont pas respectés. Les discours et les slogans porteront sûrement sur le respect des accords signés. Pour la remise des cahiers de doléances, le chef de l'État devra aussi fournir des réponses sur le non-respect des engagements pris par le gouvernement.
Négociations sur le nouveau système de rémunération, amélioration de la prise en charge sanitaire…
La Coalition des confédérations syndicales étale ses priorités revendicatives
La Fête du 1er mai est placée sous le sceau de l'unité. Pour répondre au thème "Renforcer l'unité syndicale pour préserver les acquis", le cahier de doléances, qui sera déposé sur la table du chef de l'État, sera au nom des 5 centrales syndicales, membres de la Coalition des confédérations syndicales des travailleurs du Sénégal. Il s'agit entre autres de la Cnts, de la Cnts/Fc, de l'Unsas, de la Csa. Dans son manifeste, cette coalition juge le bilan de l'année écoulée sur le plan syndical mitigé.
Ceci "dans le cadre de la gestion des relations professionnelles et de la promotion du dialogue social". Selon les membres de cette coalition, il a été noté entre autres, "la détérioration du climat social dans les secteurs de l'éducation, des collectivités locales, la santé, la justice, le transport ferroviaire, les huileries…". Dans la même veine, ils relèvent aussi "le retard dans l'application des accords sectoriels dont la mise en œuvre du Pacte national de stabilité sociale et d'émergence économique signés avec les partenaires sociaux en constituent les principaux motifs".
La coalition, qui entend ainsi déposer un Cahier de doléances unique, a choisi comme priorités revendicatives, "l'ouverture de négociations avec le gouvernement sur le nouveau système de rémunération des agents de la Fonction publique, la mise à jour des conventions collectives de branche et la révision de la Ccni, la réforme du système de retraite, l'application effective de la retraite à 60 ans et l'arrêt des licenciements abusifs dans le secteur industriel".
De même, les syndicalistes souhaitent aussi, "la révision des dispositions de l'article L 245 du Code du travail, l'accélération de la procédure de ratification des conventions n°183 et 189 de l'Organisation internationale du travail, ainsi que les conventions relatives à la sécurité et la santé au travail et celles relatives aux droits des émigrés". Dans ces doléances, la question de la formation diplômante des enseignants(es), le renforcement des dispositifs de formation continue des travailleurs et l'amélioration de la prise en charge sanitaire des travailleurs sont également pris en compte.
Cheikh Diop, secrétaire général de la Cnts/Fc
"Il faut vider le passif social pour mettre en marche le Pacte de stabilité"
Interpellé sur le suivi des cahiers de doléances après leur dépôt sur la table du chef de l'État, le secrétaire général de la Cnts /Fc soutient qu'il y a de l'amélioration par rapport aux années précédentes. Selon Cheikh Diop, en ce moment, "on est en train de négocier le cahier 2014-2015 pour trouver des solutions, alors que dans le passé les cahiers se compilaient sans être réglés". "Sur ce point il y a de l'amélioration parce qu'il n'y a pas d'anciens cahiers à négocier. Je reconnais que le stock est vide", a-t-il dit.
S'agissant du travail, qui doit être mené pour un dialogue conduisant à l'effectivité du Pacte de stabilité sociale, M. Diop estime qu'il faut "définir un package de consensus parce qu'il y a un passé lourd". "Il faut travailler pour arriver à ce Pacte de stabilité sociale mais avant il faut régler la crise dans le secteur de l'éducation, de la santé, des collectivités locales. Il y a également des décisions de justice favorables à des travailleurs et qui ne sont pas respectées. Il faut vider ce passif social le résorber pour mettre en marche ce pacte de stabilité sociale."
LEQUOTIDIEN