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Attaque à Grand Bassam: Le Prince Charles-Philippe D’Orléans raconte l’attaque


Lundi 14 Mars 2016

Invité au gala de la Fondation « Children of Africa » que préside la Première Dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara, le prince Charles-Philippe d’Orléans, ancien officier de l’armée de Terre et son épouse Diane étaient sur la plage de Grand Bassam lors de l’attaque. Il témoigne pour Paris Match.


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Il était 12h30 ce dimanche, nous venions d’arriver d’Abidjan avec trois amis, à la Madrague, un endroit charmant tenu par des Français où l’on sert un délicieux poulet braisé en bord de plage, tout au début du long alignement des hôtels. Il faisait un temps de rêve, la mer était magnifique. Mon épouse et deux amis se sont installés sur des chaises longues. Le temps de me mettre en maillot de bain et de parcourir vingt mètres pour aller jusqu’à la mer avec un ami, on a entendu un premier tir.

Ce devait être cinq minutes après notre arrivée. Sans doute un calibre 22 LR. On aurait dit un pétard. Il y avait un monde fou sur cette plage à laquelle les Ivoiriens accèdent en payant. Tout le monde s’est figé un instant. Puis il y a eu un second coup de feu, du 9 mm sans doute, et là tout le monde s’est mis à courir dans tous les sens, poursuit le prince d’Orléans, ancien officier de l’armée de Terre. Il était en mission en Côte d’Ivoire lors de la crise en 2004 et par conséquent connaît bien ce pays, ainsi que l’armement. Nous avons rejoint mon épouse et nos autres amis, et sommes restés ainsi à l’abri quelques minutes. Puis, comme il ne semblait plus rien se passer, je suis reparti vers la mer pour me baigner. Et là, ça a commencé à tirer dans tous les sens. Retour aux abris. J’ai téléphoné à un ami qui, lui, se trouvait à deux hôtels de là. Je lui ai dit : « c’est chaud ici, ça tire… » Il a cru d’abord à une plaisanterie. Puis il a entendu les coups de pistolets qui résonnaient sur le mur derrière moi.

« LES TERRORISTES REMONTAIENT PAR LA PLAGE »

Les gens couraient dans tous les sens : « partez de là, quittez… » comme disent les Ivoiriens. J’ai essayé de me renseigner, les bruits les plus fous couraient eux aussi. On nous a d’abord expliqué que c’était la police qui avait tiré en l’air pour éconduire un groupe de jeunes qui avaient tenté d’accéder à la plage sans payer, puis on nous a parlé d’un braquage, puis de trois, simultanés. Et puis on a vu des blessés, des morts peut-être, sur le sable. Et là on s’est dit qu’il fallait partir, vraiment, le plus vite possible. A ce moment-là, on entendait un tir toutes les dix ou quinze secondes. On nous tirait dessus, les balles fusaient. Le personnel de l’hôtel s’était mis à l’abri dans un bungalow tout en verre en bordure de plage. Je les ai fait sortir en leur disant qu’ils étaient fous, qu’ils allaient se faire tirer comme des lapins, que les vitres ne les protégeraient de rien…

Je n’ai pas entendu quiconque crier « Allah u Akbar », ni de rafales à répétition caractéristiques des armes automatiques. Je sais les reconnaître. Je pense qu’ils avaient des armes de poing, type 9 mm ou Magnum. Ca tirait à droite, les terroristes remontaient par la plage, à pieds, et aussi par la route, en allant vers l’est, vers un hôtel plus important. On se sentait cernés. Une première fois, nous avons tenté de rejoindre notre voiture sur le parking. Mais c’était trop dangereux. On a patienté le temps que les tirs se calment un peu. Je garde en tête l’image de la patronne de l’hôtel qui tremblait contre le mur, c’était terrible, elle était au bord du malaise. Nous avons profité d’une petite accalmie pour foncer à la voiture, démarrer en trombe et filer vers Abidjan. », conclut le prince Charles-Philippe d’Orléans.

Les terroristes eux ont continué d’aller semer la mort plus loin sur la plage de Grand Bassam. Six d’entre eux ont été neutralisés en fin de journée. Le bilan était alors de dix morts, dont cinq « Occidentaux ».  Des renforts lourdement armés quadrillent les lieux ce soir. Et de nombreux check-point ont été disposés sur la route reliant ces plages à Abidjan. Peu de gens doutent du fait qu’il s’agisse d’un attentat perpétré par des Islamistes. Le Hezbollah avait été inscrit vendredi par le gouvernement ivoirien sur la liste des organisations terroristes.

Selon une source proche du gouvernement, le bilan partiel de l’attaque serait à cette heure de 22 morts, dont 14 civils, six terroristes et deux membres des forces de sécurité ivoiriennes. L’attaque aurait été revendiquée par Al-Mourabitoune, Al-Qaïda du jihad en Afrique de l’Ouest, un groupe armé salafiste sahélien né en août 2013 de la fusion du MUJAO et des Signataires par le sang. Son émir Mokhtar Belmokhtar s’était rallié officiellement à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) le 4 décembre 2015. Deux assaillants seraient encore dans la nature. Les personnes qui se trouvaient à Assinie et Grand Bassam pour le week-end ont été assignées à résidence et sont priées de ne pas rentrer à Abidjan. On compte parmi les victimes un Français mais également deux Allemands, des Camerounais et des Maliens. Au moins 22 blessés ont été transportés vers les hôpitaux d’Abidjan. « Le bilan est lourd, les terroristes ont réussi à tuer quatorze civils et nous avons perdu deux membres des forces spéciales », a déclaré Alassane Ouattara, qui s’est rendu sur les lieux quelques heures après l’attaque.

Source: Paris Match


Abdoul Aziz Diop