Amputé des quatre membres, Philippe Croizon va tenter de relier les cinq continents à la nage

Victime à 26 ans d’une électrocution qui nécessita l’amputation de ses quatre membres, le Français Philippe Croizon tente cette semaine la première levée de son audacieux pari : relier symboliquement à la nage les cinq continents en quatre traversées. En septembre 2010, il s’était déjà rendu célèbre en réussissant la traversée de la Manche.

C’est le 5 mars 1994 que la vie de Philippe Croizon a basculé. Alors qu’il veut démonter l’antenne de télévision fixée sur le toit de sa maison près de Châtellerault (Vienne), ce père de famille reçoit une double décharge de 20 000 volts provoquée par un arc électrique qui s’est créé entre l’antenne et une ligne à haute tension. La première décharge aurait dû lui être fatale et elle lui provoque d’ailleurs un arrêt cardiaque. Mais la seconde le ranime aussitôt. Philippe garde la vie sauve, mais débute alors, pour lui, un interminable calvaire.

Déjà le Channel en 2010
Conduit dans un centre hospitalier, il reste trois mois en soins intensifs dans le service des grands brûlés. Au terme de plus de cent heures d’anesthésie et d’opérations, il est finalement amputé des quatre membres, un handicap insupportable pour un homme alors âgé de 26 ans. C’est pourtant sur son lit d’hôpital que Philippe entrevoit un moyen de se sauver : en se lançant des défis. Alors qu’il voit sur le petit écran un sujet sur une femme qui vient de traverser la Manche à la nage, il se met en tête de faire un jour de même, malgré son handicap.

Il lui faudra néanmoins plus de dix ans pour mettre son projet à exécution, dix ans au cours desquels il écrira, entre autre, un livre, J'ai décidé de vivre, paru en 2006 et rédigé à l'aide d'un logiciel de reconnaissance vocale. C’est en 2008 qu’il décide de se consacrer entièrement à cet exploit sportif, à raison de 35 heures d’entraînement par semaine en piscine mais aussi en lac et en mer, équipé de prothèses. Le 19 août 2010, il effectue, pour se tester, un aller-retour Pornic-Noirmoutier en douze heures, accompagné de son compère valide, Arnaud Chassery, nageur spécialisé dans les longues distances.
Et c’est un mois plus tard, le 18 septembre 2010, qu’il devient, à 42 ans et toujours avec l’aide de son ami, le premier quadruple amputé à traverser le Channel. Il relie Folkestone au Cap Gris Nez, soit 33 km en 13 heures et 26 minutes, à l’aide de prothèses spéciales, de palmes en carbone et titane et revêtu d’une combinaison thermique ! L’exploit ayant recueilli un large écho, Philippe Croizon n’a pas voulu en rester là. Il s’est mis en tête de relier les cinq continents à la nage en quatre traversées, sa façon à lui de déplacer des montagnes.
Soutenu par la fondation Handicap international, il va commencer cette semaine par relier l’Océanie à l’Asie en nageant une vingtaine de kilomètres entre les villages de Wutung en Papouasie Nouvelle Guinée pour la partie océanienne et celui de Mabo en Indonésie pour la partie asiatique, une liaison facilitée par la température de l’eau (28°C) mais rendue difficile par les tracasseries administratives, et dangereuse par la présence possible de méduses et de requins.

Le détroit de Béring pour finir

En juin, Philippe et Arnaud seront en Jordanie pour relier l’Asie à l’Afrique par la Mer Rouge et le Golfe d’Aqaba sur une distance de 25 km avec pour point d’arrivée la station balnéaire égyptienne de Taba Height. Là aussi, la présence de requins pourrait perturber leur progression, prévue pour durer entre 8 et 15 heures. Les deux étapes suivantes s’annoncent tout aussi difficiles avec la traversée du détroit de Gibraltar entre l’Afrique et l’Europe en juillet puis en août, celle du détroit de Béring, du moins les 4 km qui séparent les îles de Grande Diomède (Russie) et de Petite Diomède (Etats-Unis) dans des eaux où la température n’est pas supérieure à 3°C ! Au bout de leur périple en quatre actes, les deux hommes auront parcouru plus de 80 km en mer à la nage.

« Avec ce nouveau défi, en binôme avec Arnaud, nous voulons accomplir un acte égalitaire de paix, de solidarité et de partage avec tous les hommes valides, toutes les couleurs de peau, cultures et origines confondues », déclarait Philippe Croizon le mois dernier à l’AFP. « Je fais ça surtout pour moi mais aussi pour établir un exemple. Je veux montrer aux gens qui souffrent que c'est faisable, que tu dois toujours te battre », avait-il expliqué en septembre 2010 après sa traversée de la Manche, l’exploit qui lui a donné l'envie d'en réussir un autre, plus incroyable.
RFI.FR