Qui est réellement Amélie Mbaye et depuis quand évoluez-vous dans le cinéma
Je m’appelle Amélie Mbaye de nationalité sénégalaise et américaine (rires). Je suis ancienne téléspeakerine à la Rts. Donc, c’est une sorte de pèlerinage que je viens faire à Dakar pour revoir tous mes anciens collègues à la Rts… Du petit écran, j’ai fait le saut pour aller au grand écran. Depuis les années 2000 parce qu’avant cela j’étais téléspeakerine, j’ai commencé par un téléfilm qui est réalisé par Apolline Traoré (Ndlr, Réalisatrice Burkinabè). C’étaient des épisodes de 20 minutes chacune. C’est une histoire concernant des amis. Je suis la «vipère» Aline dans cette série qui passe actuellement et repasse sur les télévisions africaines. Le titre, c’est «Monia et Rama». Donc le monde de l’audiovisuel est mon monde. En fait, parallèlement à cela, j’ai fait une formation aéronautique, tourisme et langues étrangères. Ce qui est ma formation de base. Cumulativement à mes fonctions, j’ai jugé utile de me tourner vers l’administration pour pouvoir retourner dans mon monde artistique parce que c’est ce qui me permet d’exercer mes fonctions artistiques pendant mes week-ends, mes congés aussi.
Vous avez dernièrement joué dans «Frontières» d’Apolline Traoré. Comment vous vous êtes retrouvée dans ce casting ?
Apolline m’en avait parlé puisqu’elle cherchait en fait à contacter 4 personnes de nationalité différente. Moi-même de nationalité sénégalaise, une de nationalité burkinabé, une de nationalité ivoirienne et une autre de nationalité malienne. Elle m’en a parlé et m’a fait lire le scénario. Je me suis tout de suite vu là-dedans. Le sujet est super intéressant puisqu’elle parle des problèmes des commerçantes sur la route et du non-respect de la libre circulation des personnes et des biens en Afrique. On a préparé le scénario qu’Apolline a changé et modifié parce qu’elle-même a pris la route des six pays concernés pour faire ce tour, c’est-à-dire Sénégal, Mali, Burkina, Bénin, Côte d’Ivoire et Nigeria, afin de se rendre compte des réalités des problèmes de ces commerçantes sur la route notamment avec l’immigration, les douanes, la police, l’escroquerie, les vols, les viols… Elle a su relater tout cela. Et, on a commencé le tournage en avril 2015.
Humainement, qu’est-ce que ce rôle vous a apportée en tant que femme ?
Cela m’a énormément apportée du fait que j’ai des amis, de la famille, des parents commerçants qui font la route. Mais j’étais loin d’imaginer qu’elles faisaient face à toutes ces tracasseries. Donc cela m’a donné un regard beaucoup plus compatissant envers les commerçantes pour avoir vécu les sacrifices qu’elles font. J’ai désormais une sorte d’admiration pour elles, parce qu’il y a quand même pas mal de femmes qui sont illettrées et qui malgré tout, s’en sortent. Des femmes qui le font parce qu’elles partent avec de la marchandise, vont les écouler et reviennent avec une autre marchandise qu’elles vont vendre sur place. Ce sont juste des femmes qui assistent leurs maris et soutiennent leurs familles… C’est vraiment extraordinaire en plus de la découverte de la beauté du paysage, j’ai fait de la route, vivre les énormes problèmes que rencontrent ces femmes. J’étais une amoureuse de l’Afrique mais là je suis tombée encore plus amoureuse de notre continent. C’est magnifique.
Ce film qui parle des frontières en Afrique notamment dans l’espace Cedeao. Son contenu va-t-il changer quelque chose selon vous ?
Je l’espère de tout cœur. Quand j’ai lu le scénario et que je me suis rendue compte de ces problèmes, de ces tracasseries, de cette corruption qui existait que je ne pouvais pas m’imaginer, je me suis dit oui, avec ce film ça va changer. Et en regardant l’expression des visages des personnes dans les salles ou le film a été diffusé, parce qu’il y a du rire, des pleurs de la tristesse, de la comédie, c’est une réalité qui a touché en plus les autorités qui étaient là, donc je pense franchement que cela va changer beaucoup de choses. Ça va changer non seulement dans les pays de la Cedeao concernés mais aussi d’autres pays. Les autorités qui vont regarder ce film, vont se rendre compte de la nécessité de changer la donne actuelle. C’est pourquoi nous avons le devoir de faire voir ce film en plusieurs langues.
Vous avez joué dans «Monia et Rama» et vous revenez dans «Frontières». En tant qu’actrice est ce qu’il y a une différence entre ce que vous avez fait dans vos premiers rôles et aujourd’hui ?
(Rires) Énorme différence ! Dans «Monia et Rama» j’étais la «vipère» Aline qui sème la zizanie partout, ose dire tout haut ce que les autres disent tout bas, vole les maris des gens… Alors que dans ce rôle, c’est aussi une femme de tête Adjara qui n’a jamais pris les routes, n’a jamais voyagé qui reste tout le temps dans sa famille, vivait une condition assez difficile avec son époux. Mais qui durant cette route, se rend compte qu’elle peut défendre les causes des commerçantes, se bat et arrive à changer sa personnalité et devient une femme de tête.
Est-ce qu’on peut dire que vous êtes devenue l’égérie d’Apolline Traoré, vu que cela fait deux films d’elle dans lesquels vous jouez
En fait, c’est le seul long métrage que j’ai fait avec elle, alors qu’elle en a fait d’autre avant celui-ci : «Sous la clarté de la lune.» Il y a un autre qu’elle a fait avec Mariam Ouédraogo qui était son actrice principale. En fait, avec Apolline, j’ai ouvert le bal dans les années 2000 lorsqu’on a fait la série «Monia et Rama». Donc, c’est mon deuxième tournage avec elle.
A part ce long métrage d’Apolline Traoré, est ce vous avez joué dans d’autres longs métrages ?
Oui, «Frontières» est le premier long métrage africain dans lequel je joue. Mais j’ai fait d’autres films aux Etats-Unis notamment «Tears of the sun» c’est-à-dire les larmes du soleil avec Bruce Willis. Un film qui a été tourné à Hawaï. J’avais un rôle important parce que j’étais la femme d’un Président dont on a assassiné toute la famille. Il y avait dans ce film un mouvement de réfugiés du peuple camerounais. J’ai aussi tourné un film documentaire qui concerne les femmes victimes d’abus sexuels. C’est un film documentaire qui passe tout le temps et qui a été réalisé par une actrice qui travaille avec l’université de médecine à Los Angeles. On a un autre film qui a été tourné en 2015 par Karl Koper «Something about her» qui a été tourné à Los Angeles et à Malibu. Ce film relate l’histoire d’une femme qui est malade et qui a été soutenue par une femme africaine qui tombe amoureuse d’elle. J’ai joué le rôle de la maman de cette femme africaine. Dans ce film, il y a une histoire de différence de tradition, de culture entre une femme qui est née en Afrique qui a été élevée aux Etats-Unis et la vraie femme africaine que je suis et sa fille. Ce film est aussi un long-métrage.
A part ça, vous avez aussi joué dans des courts métrages?
A part cela, j’ai fait beaucoup de petits documentaires et de la publicité. Je suis aussi une maitresse de cérémonie puisqu’au niveau de la Californie, je suis souvent appelée par les consulats des pays africains qui ont leurs ambassades à Washington pour animer des cérémonies. Si on vous demandait de trouver un autre titre au film Frontières…
Alors là… (Hésitante). Je dirais peut être un seul mot «Corruption»
Et pourquoi ?
Parce que nous-mêmes on a eu à faire face à cela. On l’a vécue. Je peux donner une anecdote. Lorsqu’on a quitté Cotonou et qu’on voulait embarquer pour Lagos, on n’a jamais pu le faire. J’ai montré mon passeport sénégalais qui est également de la Cedeao, j’ai récité sur place un de mes textes que j’avais dans mon scénario, dans mon script. J’ai eu beau leur dire : «Attendez, pourquoi vous ne voulez pas que j’embarque. J’ai un passeport sénégalais. C’est la libre circulation des personnes et des biens.» Mais il n’y avait rien à faire ! Les gens n’ont pas cédé. On est retournées sur nos talons. En ce moment-là, un mot qui me vient en tête, c’est corruption… (rires).
Au Fespaco, certains cinéphiles souhaitaient que le film «Frontières» remporte l’Etalon de Yennenga et finalement c’est un film sénégalais qui a triomphé. En tant qu’actrice sénégalaise ayant joué dans «Frontières», quelles étaient vos premières réactions lorsqu’on a appelé Alain Gomis ?
Cela m’a fait plaisir. Je connais Alain. Je l’ai rencontré en 2013 puisque j’ai fait la promotion de son film à Los Angeles Tey (Ndlr, Aujourd’hui) durant le festival Camera d’Afrique. Cela m’a fait plaisir et chaud au cœur parce que chaque fois on disait : Sénégal. Il y a eu avec Ousmane Wiliam Mbaye après Alain Gomis. La veille, on a eu 3 prix avec Frontières. Et je suis l’une des actrices. Donc cela m’a fait chaud au cœur. C’était mon premier Fespaco…Donc venir pour la première fois au Fespaco et recevoir trois prix, cela m’a fait chaud au cœur. Quand on les a reçus, c’est vrai et il faut le reconnaitre, je me suis dit le lendemain que ce message est très fort. Apolline sera surement la première femme africaine qui remportera le Grand prix. Mais c’est un sujet qui est délicat. Elle dénonce quelque chose de très fort et en parle ouvertement….
Que fait aujourd’hui Amélie Mbaye à Los Angeles ?
J’étais dans l’aérien. Après je me suis consacrée à ma vie artistique parce que je chante aussi. J’ai quitté l’aérien pour l’administration avec des horaires plus réguliers. Cela fait 18 ans que je vis en Californie. Ça suffit ! Je prépare mon retour depuis toutes ces dernières années en Afrique. Justement, on a parlé de «Frontières». Je ne mets pas de frontières. Je suis africaine d’abord sénégalaise ensuite. Voilà que ça soit ici ou ailleurs, je prépare à rentrer en Afrique.
Vous revenez à Dakar ?
Dakar c’est ma ville. Le Sénégal, c’est mon pays et ma famille y est. Donc mon pied à terre, ce sera le Sénégal. Maintenant, je suis ouverte aux autres pays que je connais et que j’aime autant que le Sénégal.
Quel regard vous portez en tant que femme sur la femme dans le cinéma sénégalais ?
Je n’ose pas porter des critiques mais je souhaiterais vraiment que dans le cinéma qu’on fasse un peu plus d’efforts sur le plan linguistique. Je vois les autres films que j’aime bien que je regarde dans Nollywood et les autres films des autres pays. Ils ont leurs films en dialecte mais qui font l’effort de le faire en français et en anglais afin que cela puisse se vendre et être plus exposés. On a de très grandes actrices, de très bonnes comédiennes talentueuses au Sénégal. C’est juste au niveau linguistique qu’il faudrait faire un peu plus d’efforts. Avant, on faisait beaucoup plus d’intérieur. Je parle surtout des téléfilms. On fait aujourd’hui beaucoup d’extérieurs. C’est un progrès vraiment considérable.
LEQUOTIDIEN