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Dan Montsitsi préparait depuis des mois cette marche devenue historique. Mais « ni nos parents, ni les enseignants, ni la police n'étaient au courant », raconte-t-il à l'AFP. Le jour J, « on n'en revenait pas du nombre d'écoliers qu'on avait réussi à convaincre » de manifester.
Les gamins, la plupart en uniforme d'école, brandissent des slogans peints sur des bouts de carton: « Au diable l'afrikaans », « L'afrikaans pue », « L'afrikaans doit être aboli ».
Imposer l'afrikaans à la majorité noire - qui le parle mal ou peu - était « une stratégie du régime de l'apartheid destiné à nous empêcher de réussir », témoigne à l'AFP Joy Rabotapi, élève du secondaire en 1976 à Soweto et aujourd'hui homme d'affaires.
« On était en train de chanter et danser au niveau de l'école d'Orlando West High quand la police est arrivée », poursuit Dan. « Elle nous a donné cinq minutes pour nous disperser. On a refusé. Ils ont lâché un chien dans la foule. (...) On leur a rendu une dépouille. Ils étaient furieux évidemment, et ils ont lancé des gaz lacrymogènes ».
« On a répondu avec une pluie de pierres et ils ont commencé à tirer, le plus souvent dans le dos des écoliers pendant qu'on s'enfuyait ».
Le premier à tomber est Hector Pieterson, 13 ans. La photo en noir et blanc de son cadavre porté par un camarade en larmes, au côté de sa soeur effrayée, a fait le tour du monde. Elle suscite l'indignation internationale.
« On ne pensait pas que quelqu'un puisse mourir juste parce qu'il marchait dans la rue le poing levé, se rappelle Trofomo Sono, adolescent en 1976. Les garçons se protégeaient des balles avec des couvercles de poubelles. »
« Pays en feu »
Dès le lendemain, « le pays est en feu », se rappelle Dan. « Tout d'un coup, on ne craignait plus la police ni les Afrikaners, on était prêts à se battre. »
L'Afrique du Sud s'enfonce dans des violences inédites depuis l'instauration du régime ségrégationniste en 1948. Quarante ans plus tard, le bilan précis des violences du 16 juin 1976 n'est pas toujours connu, mais en quelques mois, la répression a fait au moins 500 morts.
Le monde commence à prendre des sanctions contre le régime. En 1977, l'ONU décrète un embargo sur la vente d'armes à l'Afrique du Sud. Il faudra cependant attendre 1994 pour voir chuter le régime honni, et Nelson Mandela accéder au pouvoir.
C'est en arrivant près de Johannesburg, le 17 juin, que Granny Seape, étudiante à Fort Hare (sud-est), entend parler du soulèvement de Soweto. En arrivant dans le township, « on pouvait voir la fumée, les bâtiments en feu ».
Immédiatement, elle s'inquiète pour son petit frère, Hastings Ndlovu, 17 ans, élève à Soweto. « On l'a trouvé au bout de cinq jours à la morgue, dans une pile de corps. » Il avait été tué d'une balle entre les deux yeux.
Harcelée par la police, Granny décide de s'exiler. Elle ne reviendra en Afrique du Sud qu'après la libération en 1990 de Nelson Mandela.
Son frère adoré « a contribué à la libération de l'Afrique du Sud », dit fièrement cette femme d'affaires aujourd'hui âgée de 59 ans.
« J'ai beaucoup de respect pour ces gamins », explique le révérend Frank Chikane, qui a survécu à un empoisonnement pendant l'apartheid. Ils « ont changé l'Afrique du Sud ».
Aujourd'hui, « tous les Sud-Africains peuvent voter », se réjouit Dan. Mais « la mixité raciale se fait encore de façon très très lente » à l'université, regrette-t-il.
Trofomo, sans emploi, ne cache pas son amertume. « Quand je vois la pauvreté, je me dis parfois que certains écoliers ont peut-être sacrifié leur vie pour rien. » Plus d'un quart de la population active, dont la moitié de moins de 35 ans, est aujourd'hui au chômage.
« Mais dans l'ensemble, je me dis quand même que ça valait le coup, conclut-il. Il y a la démocratie. »
LAPRESSE.CA