Affaire des primes en liquide(France) : Claude Guéant en garde à vue
Mercredi 18 Décembre 2013
Claude Guéant a été placé en garde à vue à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, à Nanterre (Hauts-de-Seine), mardi 17 décembre au matin, dans le cadre de l'enquête sur les primes en liquide reçues par lui entre 2002 et 2004, alors qu'il dirigeait le cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur. La garde à vue peut durer 24 heures et être prolongée une fois d'autant. Comme aucun juge d'instruction n'est encore saisi de l'affaire, l'ex-ministre de l'intérieur ne risque pas, dans l'immédiat, d'être mis en examen.
Selon Europe 1, qui a révélé l'information, Michel Gaudin, à l'époque directeur général de la police nationale (et aujourd'hui directeur du cabinet de M. Sarkozy) a également été placé en garde à vue. Ces auditions interviennent dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte le 14 juin par le parquet de Paris pour « détournement de fonds publics et recel », à la suite de la publication d'un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), commandé par le ministre de l'intérieur Manuel Valls.
Selon ce rapport, des fonds puisés dans les « frais d'enquête et de surveillance », donc supposés être destinés aux policiers, avaient été remis à M. Guéant entre 2002 et 2004. Le rapport précisait qu'« environ 10 000 euros par mois [étaient] remis au directeur de cabinet du ministre », c'est-à-dire M. Guéant lui-même.
En clair, l'argent liquide destiné « à permettre la recherche de renseignements, la rémunération des informateurs, la mise en oeuvre de moyens d'investigation », fut utilisé pour compenser la disparition des fonds spéciaux, qui, jusqu'au 1er janvier 2002, permettaient, sans aucun contrôle, de gratifier les personnels des cabinets ministériels.
Lors de la publication de l'enquête administrative, l'entourage de Claude Guéant avait relevé queces sommes ne lui étaient pas destinées, mais utilisées pour un système de gratifications, notamment pour les policiers en charge de la protection de M. Sarkozy.
TRACES DE MOUVEMENTS FINANCIERS SUSPECTS
La polémique était partie d'une perquisition au domicile de M. Guéant, au mois de février, et de la découverte de factures payées en numéraire, pour un montant de 20 000 à 25 000 euros. Le Canard enchaîné avait révélé que les policiers avaient découvert chez M. Guéant la trace de mouvements financiers suspects, notamment une somme de 500 000 euros. Les enquêteurs agissaient dans la cadre de l'enquête sur les accusations de financement libyen de la campagne présidentielle de M. Sarkozy, en 2007.
M. Guéant avait alors expliqué publiquement que cet argent provenait de primes de cabinet versées en liquide, pourtant supprimées par le gouvernement Jospin. M. Guéant avait assuré que ces primes constituaient un « système indemnitaire » propre au ministère de l'intérieur et touchant « des milliers de fonctionnaires ».
Au micro de RMC, l'ancien secrétaire général de l'Elysée – entre 2007 et 2011 – avait notamment déclaré : « Cela vient de primes payées en liquide. Elles n'ont pas été déclarées car ce n'était pas l'usage. A posteriori, on se dit que c'était anormal. D'ailleurs, ça a été modifié. »
« ON NE CHANGE PAS DE SYSTÈME DU JOUR AU LENDEMAIN »
Il avait précisé, sur France 2, qu'avait existé, après 2002 et la fin de l'utilisation des fonds secrets, un régime spécifique au ministère de l'intérieur. Ce système de paiements en espèces aurait concerné « des milliers de personnes », dont les membres du cabinet du ministre.
Or, « quand vous avez plusieurs milliers de fonctionnaires qui bénéficient de ce système, vous ne le changez pas du jour au lendemain », avançait encore M. Guéant. Selon lui, il aurait fallu plusieurs années pour mettre un terme à ce dispositif : « Nous avons réussi, en 2006 », assurait-il.
La défense de M. Guéant avait été battue en brèche par d'autres anciens collaborateurs de la place Beauvau, dont l'ancienne ministre Chantal Jouanno, membre du cabinet de M. Sarkozy au ministère de l'intérieur de 2002 à 2004. « Je ne touchais que des primes sur mon compte bancaire ; rien en liquide », avait-elle assuré au Monde le 3 mai.
UNE PRATIQUE « RÉTABLIE DE MAI 2002 À L'ÉTÉ 2004 »
Directeur général de la police nationale de 1994 à 1998, puis directeur du cabinet de M. Sarkozy Place Beauvau (2002-2004 puis 2005-2007) et enfin ministre de l'intérieur (2011-2012), M. Guéant n'ignore rien du fonctionnement de ce ministère, ni de ses avantages ou de ses secrets.
Les frais de police figurent sur une ligne budgétaire du ministère de l'intérieur de près de dix millions d'euros en 2013. Cet argent liquide est géré par la direction générale de la police nationale et est réparti entre les différents services de police pour récompenser des enquêteurs, par exemple. Le gouvernement Jospin avait remplacé les fonds spéciaux par les indemnités pour sujétion particulière, inscrites comme telles sur la fiche de paie des conseillers.
Mais, selon le rapport commandé par M. Valls, la pratique des primes en liquide a été « rétablie de mai 2002 à l'été 2004 », lors du premier passage de M. Sarkozy place Beauvau, car « la dotation attribuée au ministère de l'intérieur (…) est rapidement apparue insuffisante ».
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